[Critique de livre] “Evangelization or Colonization?” d’Analzira Nascimento

Évangélisation ou colonisation ? (Voix mondiales : Amérique latine) par Analzira Nascimento
Évangélisation ou colonisation ? (Voix mondiales : Amérique latine) par Analzira Nascimento Couverture du livre

Cette lecture sérieuse, publiée dans la série Global Voices de Regnum, est à l’origine une thèse de doctorat rédigée en portugais. L’ouvrage remet profondément en question certaines hypothèses missionnaires protestantes traditionnelles et se révèle particulièrement utile pour tout responsable d’Église ou de mission, qu’il vienne du Nord ou du Sud global.

L’auteure, Analzira Nascimento, critique fermement le modèle d’un « mouvement à sens unique de l’Occident vers les autres », qui, selon elle, objective et déshumanise “l’autre”.

Dans sa préface, elle écrit :

« … l’Église a adopté des pratiques d’évangélisation fortement marquées par les idéaux de l’expansion coloniale des XVe et XVIe siècles. … L’Église continue de reproduire la même logique colonialiste de domination. »

Elle ajoute :

« Les communautés évangéliques, dans leur majorité, se sont enfermées dans leurs ghettos et s’adressent à un monde qui n’existe déjà plus. »

S’appuyant notamment sur ses 17 années d’expérience comme missionnaire brésilienne en Angola, un pays ravagé par la guerre, Nascimento invite l’Église à repenser son approche “bancaire” — consistant à « déposer du contenu chez les gens » — et à adopter une relation de dialogue et d’écoute réciproque.

Elle introduit aussi des figures historiques influentes mais peu connues dans le monde anglophone, comme Bartolomeu de Las Casas (pages 13–16), et appelle à une mission chrétienne plus respectueuse de “l’autre”, ancrée dans une compréhension mutuelle et dans la dignité humaine.

Un de ses chapitres résume cette orientation :

« Redécouvrir le chemin d’une pratique dialogique. »

Elle évoque l’exemple de l’apôtre Paul, qui « renonça à sa carrière et à sa réputation dans la société juive pour devenir l’un des précurseurs d’un nouveau mouvement religieux, choisissant de vivre à la marge de la pensée dominante ».

Nascimento explore aussi “l’invention de la notion de sauvagerie” et ses connotations raciales, comme le fait de qualifier « le différent de défectueux ou d’inférieur » — des pages inconfortables, mais riches en discernement.

Quiconque croit encore au concept de “Destinée manifeste” devrait lire son troisième chapitre, qui démonte cette idéologie religieuse justifiant la domination occidentale.

Son quatrième chapitre, rédigé en 2024, aborde la fin de l’hégémonie occidentale et de ce qu’elle appelle sa « marque missionnaire », et montre comment les études postcoloniales peuvent éclairer la mission et l’Écriture.

Elle insiste :

« Nous devons introduire le thème de la colonialité dans la réflexion missiologique. L’histoire apporte des leçons précieuses à ceux qui veulent sincèrement réfléchir. »
Mais elle nuance :
« Il faut revisiter l’histoire avec humilité, prudence et responsabilité, et apprendre à travailler avec les gens, et non plus pour eux. »

Pour elle, penser la mission à partir de la Missio Dei (« la mission de Dieu ») conduit à des pratiques plus relationnelles et moins gestionnaires.

L’auteure présente son objectif ainsi :

« Inviter le lecteur à un parcours d’investigation qui cherche à retrouver la pertinence du projet missionnaire à partir de la Bible. »

Le livre est donc un appel à une mission chrétienne intégrée, holistique, à l’écoute et empreinte d’amour.
Citant David Bosch, elle souligne que cette mission « refuse d’accepter la réalité telle qu’elle est et cherche à la transformer. »

Enfin, elle met en avant des figures comme François d’Assise et Raymond Lulle, qu’elle qualifie de « prophètes des marges » et de « véritables ambassadeurs du Royaume de Dieu. »

Références du livre :
Evangelization or Colonization? — Analzira Nascimento
Éditeur : Regnum Books International, Oxford Centre for Mission Studies
Format : Broché
ISBN : 978-1-913363-96-3

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