
Le Soudan a expulsé la semaine dernière plus de 100 femmes sud-soudanaises, majoritairement chrétiennes, de Khartoum, dans ce que les critiques considèrent comme une décision motivée à la fois par des raisons religieuses et politiques.
Au moins 61 des femmes expulsées ont été séparées de leurs enfants, selon Radio Tamazuj, ce que des sources ont qualifié de violation flagrante des droits humains. Les chrétiens affirment que le gouvernement considère les Sud-Soudanais comme une menace pour l’islam et pour la sécurité, bien que la plupart de ces femmes aient vécu dans le pays pendant des décennies.
Les autorités ont mené des descentes dans des maisons de Sud-Soudanais dans plusieurs quartiers de Khartoum, emprisonnant des femmes sans aide juridique ni procédure régulière, ont indiqué des sources. Des enfants ont également été arrêtés et expulsés sans leurs parents.
Les femmes expulsées ont déclaré au journal arabophone sud-soudanais Al-Watan que les responsables leur avaient refusé l’autorisation de retourner chercher leurs enfants, âgés de 3 mois à 12 ans. Certaines ont été arrêtées à leur domicile vers 2 heures du matin, d’autres dans la rue alors qu’elles se rendaient au marché.
« Je suis partie les mains vides, laissant derrière moi mes deux enfants de 3 et 9 ans, et personne ne s’occupe d’eux », a raconté l’une d’elles.
Une autre femme a indiqué à Al-Watan qu’elle avait été emprisonnée à Omdurman puis expulsée le lendemain, laissant derrière elle neuf enfants.
Les autorités ont transféré les femmes vers des centres de détention avant de les expulser vers la région frontalière de Joda pour leur passage dans l’État du Haut-Nil, au Soudan du Sud, a déclaré Diing Deng Lueth, commissaire du comté de Renk, à Radio Tamazuj.
L’une des mères expulsées, Triza Alier, a rapporté que la police lui avait dit : « Vos enfants ne nous concernent pas. »
Alier a précisé que la police l’avait arrêtée dans la rue sans lui permettre de rentrer chez elle pour retrouver ses enfants.
Une autre femme expulsée, Sabah Abbass, a déclaré à Al-Watan qu’elle avait été emprisonnée pendant quatre jours et battue pour avoir demandé de l’eau ou de la nourriture.
« C’était inhumain », a-t-elle affirmé.
Solana Jeremiah, responsable d’un réseau de la société civile dans l’État du Haut-Nil (Soudan du Sud), a qualifié ces expulsions « d’inacceptables », selon Radio Tamazuj.
Les critiques soulignent qu’en tant que membre des Nations Unies, le Soudan est tenu de respecter le droit international et les Conventions de Genève, notamment le principe fondamental de non-refoulement — interdisant de renvoyer des réfugiés vers un lieu où leur vie serait en danger.
« Le Soudan du Sud, d’où ces personnes ont fui une guerre civile brutale, reste un endroit dangereux », a commenté Jwothab Othow sur le site de Radio Tamazuj.
« La récente expulsion de réfugiés sud-soudanais du Soudan, qui a impliqué la séparation forcée d’enfants et de leurs parents, constitue une grave violation du droit international et un crime profond. »
Des extrémistes musulmans ont récemment utilisé les réseaux sociaux pour inciter le public à renvoyer les chrétiens sud-soudanais — dont beaucoup sont nés au Soudan — vers le Soudan du Sud.
Selon le Joshua Project, la population du Soudan du Sud est composée à 56 % de chrétiens, 34,1 % pratiquent des religions traditionnelles ethniques et 9,4 % sont musulmans.
Le Soudan, quant à lui, est musulman à 93 %, avec 4,3 % de religions traditionnelles et seulement 2,3 % de chrétiens, toujours selon le Joshua Project.
Cette mesure intervient dans un contexte de guerre civile éclatée en avril 2023 entre les Forces de soutien rapide (RSF) et les Forces armées soudanaises (SAF).
Les deux forces, à orientation islamiste, ont attaqué des chrétiens déplacés, les accusant de soutenir les combattants adverses.
Le conflit entre la RSF et la SAF — qui partageaient le pouvoir militaire depuis le coup d’État d’octobre 2021 — a terrorisé les civils à Khartoum et ailleurs, faisant des dizaines de milliers de morts et plus de 11,9 millions de déplacés internes et externes, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme (HCDH).
Le général Abdelfattah al-Burhan (SAF) et son vice-président d’alors, le chef des RSF Mohamed Hamdan Dagalo, étaient au pouvoir lorsque les partis civils ont convenu, en mars 2023, d’un cadre de transition démocratique, qui a échoué à cause de désaccords sur la structure militaire.
Burhan voulait intégrer les RSF — issues des milices Janjawid ayant aidé l’ancien dictateur Omar el-Béchir à écraser les rébellions — dans l’armée régulière en deux ans, tandis que Dagalo exigeait un délai d’au moins dix ans.
Les deux chefs militaires, tous deux issus du courant islamiste, tentent néanmoins de se présenter sur la scène internationale comme des défenseurs de la démocratie et de la liberté religieuse.
Le Soudan occupe la 5e place du classement 2025 de Portes Ouvertes (World Watch List) des pays où il est le plus difficile d’être chrétien, contre la 8e place l’année précédente.
Le pays était sorti du top 10 pour la première fois en 2021, se classant alors 13e.
Après deux années d’avancées en matière de liberté religieuse consécutives à la chute du régime islamiste de Béchir en 2019, le spectre de la persécution d’État est revenu avec le coup d’État militaire du 25 octobre 2021.
Après l’éviction de Béchir, le gouvernement de transition civil-militaire avait abrogé certaines dispositions de la charia, supprimé la criminalisation de l’apostasie et interdit le fait de traiter un groupe religieux d’« infidèle ».
Mais avec le coup d’État d’octobre 2021, les chrétiens ont de nouveau craint le retour des aspects les plus répressifs et rigoureux de la loi islamique.
Le Département d’État américain avait retiré le Soudan en 2019 de la liste des pays particulièrement préoccupants (CPC) en matière de violations systématiques de la liberté religieuse, avant de le placer sur une liste de surveillance.
En décembre 2020, il avait complètement retiré le Soudan de cette liste spéciale.



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