Les évangéliques du Cameroun appellent à la paix et à l’intégrité alors que Biya, 92 ans, brigue un nouveau mandat après quatre décennies au pouvoir

Le président du Cameroun, Paul Biya, assiste à une cérémonie de signature au Grand Palais du Peuple, le 22 mars 2018 à Pékin, en Chine.
Le président du Cameroun, Paul Biya, assiste à une cérémonie de signature au Grand Palais du Peuple, le 22 mars 2018 à Pékin, en Chine. À 92 ans, le président camerounais Paul Biya brigue un nouveau mandat, prolongeant ainsi un règne de plus de quatre décennies qui a fait de lui l'un des dirigeants les plus anciens au monde. Lintao Zhang/Getty Images

Alors que les Camerounais se préparent à se rendre aux urnes dimanche 12 octobre pour une élection présidentielle cruciale, les dirigeants évangéliques du pays ont lancé un appel urgent à la paix, à l’intégrité et à un leadership craignant Dieu, dans une nation marquée par des décennies de tensions politiques et de multiples conflits armés.

Dans une déclaration publiée mercredi 8 octobre, l’Alliance des Évangéliques du Cameroun (AEC) — qui représente près de sept millions de croyants à travers le pays — a exhorté les citoyens à « défendre les valeurs démocratiques et morales » en cette période qu’elle qualifie de « moment charnière de mobilisation démocratique ». L’organisation a appelé les électeurs à choisir un président qui gouverne avec justice, unité et « crainte de Dieu », rappelant à la nation que « toute autorité vient de Dieu, et l’autorité qui existe est établie par Dieu pour administrer la justice selon Sa volonté », citant Romains 13:1.

La déclaration, cosignée par le Rév. Dr. Teyabe Alphonse, secrétaire général de l’AEC, et le Rév. Dr. Jean Libom Li Likeng, président de l’AEC ainsi que de l’Association des Évangéliques d’Afrique, a défini les qualités attendues du prochain président.

« Le Président de la République doit être un artisan de paix et unificateur de tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance politique, religion, ethnie ou origine socioculturelle », indique la déclaration. « Il doit manifester un engagement sincère à restaurer l’unité nationale et à coopérer avec les autres Africains dans un esprit de panafricanisme. »

Cet appel intervient alors que le président Paul Biya, âgé de 92 ans, au pouvoir depuis 1982, sollicite un nouveau mandat de sept ans. Sa décision de se représenter a suscité des réactions contrastées parmi les responsables religieux et les citoyens.

Dans une lettre ouverte publiée en juillet, le père Paul Ajong, prêtre camerounais exerçant aux États-Unis, a affirmé que la poursuite du règne de Biya « insulte notre intelligence » et a accusé son gouvernement de « diriger par la peur et la répression ».

Des observateurs des droits de l’homme ont déjà exprimé leurs inquiétudes concernant la gouvernance et les libertés politiques au Cameroun. Le Conseil constitutionnel a confirmé sa décision d’exclure le chef de l’opposition Maurice Kamto de la course présidentielle, une décision qui s’inscrit dans un contexte de contestations liées à l’éligibilité des candidats et de tensions persistantes entre le gouvernement et l’opposition.

L’appel de l’AEC à un leadership moral et à la fin de la corruption intervient dans un climat d’inquiétude internationale concernant la gouvernance au Cameroun. Selon l’Indice de perception de la corruption de Transparency International, le Cameroun occupe la 140ᵉ place sur 180 pays, affichant de faibles scores et des faiblesses persistantes en matière de transparence et de responsabilité dans le secteur public.

Le Cameroun continue également de faire face à plusieurs crises imbriquées qui ont accentué les divisions ethniques et politiques, sur le terrain comme en ligne. La plus grave demeure le conflit entre les forces gouvernementales et les séparatistes dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, entamé en 2017 et ayant causé plus de 6 500 morts. Les combats ont déplacé environ 584 000 personnes à l’intérieur du pays et forcé quelque 73 000 réfugiés à fuir vers le Nigeria voisin. Le pays affronte également une insurrection djihadiste renouvelée dans l’Extrême-Nord, liée à Boko Haram, qui aurait fait plus de 3 000 morts, déplacé près de 250 000 personnes, et provoqué la formation de groupes de vigilance locaux.

Lors d’un rassemblement à Maroua, Biya a promis de renforcer la sécurité dans la région, de réduire le chômage des jeunes et d’améliorer les routes et infrastructures s’il est réélu. « Je suis bien conscient des problèmes qui vous préoccupent, je connais les attentes non satisfaites qui vous font douter de l’avenir », a-t-il déclaré, selon l’Associated Press. « Fort de ma propre expérience, je peux vous assurer que ces problèmes ne sont pas insurmontables. »

Tout en évitant de soutenir un camp politique, l’AEC a exhorté les citoyens à voter de manière responsable et les dirigeants à « restaurer la révérence envers Dieu dans les cercles politiques et administratifs », rejetant la corruption, le népotisme et la division sociale.

« Le relèvement de l’Afrique est la vocation de cette génération, comme l’a prophétisé Ésaïe 60:1–5 », conclut la déclaration. « Alors que la nation se prépare à choisir son prochain dirigeant, nous prions pour que le Cameroun avance dans la paix, l’intégrité et la foi en Dieu. »

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