Les dirigeants chrétiens kenyans s’opposent fermement aux lois visant à réglementer les organisations religieuses

Le président kényan William Ruto a déclaré quil veillerait à ce que le projet de loi ne porte pas atteinte à la liberté de culte.
Le président kényan William Ruto a déclaré qu'il veillerait à ce que le projet de loi ne porte pas atteinte à la liberté de culte. (Leon Neal/Getty Images)

Des dirigeants chrétiens issus de diverses associations d’Églises au Kenya ont exprimé leurs inquiétudes face aux projets de réglementation des activités religieuses à travers le projet de loi sur les organisations religieuses et la politique sur les organisations religieuses.

L’Association évangélique du Kenya (EAK) et la Church and Clergy Association of Kenya (CCAK) ont rejeté certaines sections de ces projets, les qualifiant d’« anticonstitutionnelles ».

Dans un mémorandum daté du 22 octobre, l’EAK a observé que la réglementation proposée vise à placer les organisations religieuses sous le contrôle du gouvernement.

« Le projet de loi introduit une supervision gouvernementale des organisations religieuses, les traitant comme s’il s’agissait de départements ou d’entreprises publiques financés par l’État », indique le mémorandum. « Cela porte atteinte au droit constitutionnel à la liberté de religion et au principe selon lequel le Kenya n’aura pas de religion d’État. »

Le projet de loi sur les organisations religieuses propose la création d’un Conseil consultatif au sein du bureau du procureur général, ainsi que la nomination d’un Registraire des organisations religieuses.

« Le registraire délivrera, suspendra ou révoquera les certificats d’enregistrement conformément à la présente loi, tiendra un registre de toutes les organisations religieuses enregistrées et de leurs structures », stipule le projet de loi.

L’EAK estime que le texte devrait aussi définir clairement le terme “supervision”, afin d’éviter qu’il ne soit utilisé pour restreindre le droit au culte. Selon l’association, la clause 7(2) du projet ne précise pas la portée ni les limites du rôle de surveillance de la commission.

La CCAK a exhorté le président à accorder aux organisations religieuses le temps nécessaire pour soumettre leurs observations sur ces deux textes.
Le président national de la CCAK, l’évêque Hudson Ndeda, a déclaré percevoir une intention malveillante dans les projets de loi et de politique. Le texte n’a pas encore été présenté au Sénat pour débat.

« La mention d’un organisme parapluie et la création d’une commission dans le projet de loi sont suspectes et discriminatoires ; elles vont à l’encontre de notre liberté d’association », a affirmé Ndeda.

La CCAK rejette fermement ces propositions, craignant que la mise sous surveillance gouvernementale des institutions religieuses ne conduise à des amendes arbitraires qui limiteraient leurs activités.
Le projet prévoit en effet une amende de 5 millions de shillings kenyans (environ 39 000 USD) ou trois ans de prison pour les Églises et leurs dirigeants qui ne se conformeraient pas à l’obligation d’enregistrement.

« Nous nous demandons pourquoi le gouvernement cherche tant à réglementer les institutions religieuses tout en imposant des amendes et peines de prison », a déclaré Ndeda lors d’une conférence de presse le 29 octobre.

La Fédération des Églises évangéliques et indigènes du Kenya (FEICCK) a, de son côté, averti que cette législation pourrait restreindre la liberté de culte, en contradiction avec la Constitution.
Son président, l’évêque Samuel Njiriri, estime que le texte, dans sa forme actuelle, exclurait les Églises indigènes. Le projet de loi sur les organisations religieuses 2024 et la politique sur les organisations religieuses 2024 visent aussi à réglementer la création et le fonctionnement des institutions religieuses.

Limiter l’extrémisme religieux

Ces projets de loi ont été introduits à la suite du massacre de Shakahola, qui a fait plus de 500 morts sous l’influence d’un groupe religieux extrémiste.
Une task force formée en 2023 par le président William Ruto a recommandé la création d’un organisme central chargé de superviser les institutions religieuses.

Les nouvelles lois visent à prévenir les dérives extrémistes opérant sous couvert d’organisations religieuses enregistrées.
Actuellement, la loi sur les sociétés (Societies Act) encadre l’enregistrement des institutions religieuses au Kenya. Pour opérer légalement, ces dernières doivent être enregistrées auprès du Registraire des sociétés, qui leur confère une personnalité juridique leur permettant de signer des contrats et de posséder des biens.

La task force a proposé la création d’une Commission des affaires religieuses, chargée de l’enregistrement, de la réception des rapports annuels et de la surveillance de la conformité des organisations religieuses.

La Politique sur les organisations religieuses 2024 identifie plusieurs lacunes dans l’exercice de la liberté religieuse :

« L’objectif principal de la politique est d’institutionnaliser l’exercice de la liberté de religion dans le secteur religieux conformément à la Constitution », indique le document.

Parmi ces lacunes figurent :

  • l’absence d’un cadre politique et législatif clair pour les activités religieuses ;

  • l’incertitude quant aux crimes commis au nom de la religion ;

  • le manque de reconnaissance juridique pour les organisations religieuses ;

  • la diffusion en ligne non réglementée de contenus religieux ;

  • l’absence de cadre limitant l’exercice des droits religieux en vertu de l’article 24 de la Constitution.

Le rapport souligne aussi :

  • l’absence de programmes de réhabilitation pour les victimes de sectes ou de groupes extrémistes ;

  • un système de gestion des dossiers manuels ;

  • et des procédures d’enregistrement discriminatoires qui affaiblissent la gouvernance et la transparence du secteur religieux.

Le président William Ruto a récemment affirmé que le gouvernement n’imposera pas de mesures violant la liberté de culte garantie par la Constitution.

« J’exhorte ceux qui ont des idées à laisser les dirigeants religieux définir eux-mêmes la manière dont ils souhaitent se réglementer, conformément aux recommandations de la task force dirigée par le Révérend Mutava Musyimi », a déclaré Ruto lors d’un service religieux le 6 octobre.

« Nous défendrons la liberté de culte sans compromis, et aucune restriction ne sera imposée », a-t-il ajouté.

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